Le paysage web a subit de nombreuses évolutions au cours des 20 dernières années en raison des innovations technologiques et des changements des comportements des individus, le développement de nouvelles pratiques et tendances de consommation.
Si je me lance aujourd’hui dans la rédaction d’un article orienté sur les changements de vision du marketing, c’est parce que ce sujet me sert souvent d’introduction lors d’interventions ou de formations sur le sujet du marketing mobile ou du web en général et que certains éléments ont notamment permis de constituer mon mémoire l’année dernière. C’est donc l’occasion de vous partager tout ça ici sur le blog ! Aujourd’hui de nombreuses sources convergent vers la chronologie suivante pour découper les phases clés du web :
- le web 1.0 a marqué la période 1990-2003 : on parle des moteurs de recherche et de l’essor des premières plateformes de transfert de fichiers.
- le web 2.0 se situe entre 2004-2008 : on parle des médias sociaux, du blogging, du web en tant que plateforme,de participation et collaboration, bref l’intelligence collective.
- le web 3.0 depuis 2009 : on parle d’interconnectivité, de temps réel, d’objets connectés, de mobilité et de sémantique des données.
A chaque évolution du web, le marketing s’est adapté, mais en réalité c’était déjà le cas avant l’apparition du web, dans la mesure où les clients et leurs attentes ont évolué naturellement et où la relation avec ces clients a dû changer également. Il est possible de parler d’évolution de la fonction marketing qui serait passée au file du temps d’un marketing 1.0, à un marketing 2.0 puis pour certains jusqu’à la version la plus récente dite 3.0.
Logique des nombres, abus de langage, marketing du marketing ? Le débat est ouvert dans les commentaires, mais tout d’abord voyons rétrospectivement quels ont été les grands changements de la fonction marketing face aux évolutions des attentes des consommateurs.
Le marketing 1.0 : un focus sur le produit
Le marketing 1.0 existait déjà avant l’ère d’internet et du web 1.0. Il y eu plusieurs vagues à partir de l’après-guerre :
- La gestion des produits (période de 1950 à 1970)
Née aux Etats-Unis, l’essence même du marketing était centrée sur les produits et est devenue progressivement une discipline enseignée et étudiée dans le monde entier (à partir des années 1960). Cela est dû notamment à la révolution industrielle qui a permis de produire en abondance. De nombreux concepts font leur apparition à cette époque, tels que le marketing mix, les 4P, la segmentation de marché.
=> Le marketing de cette époque a permis de produire en plus grande quantité.
- La gestion des clients (période de 1970 à 1990)
Les entreprises accordent plus d’importance à leurs clients, voyant qu’elles évoluent sur un marché concurrentiel. Cela est en partie rendu possible grâce aux travaux de Michael Porter qui proposa en 1979 un modèle des « 5 forces de Porter » permettant de mettre en exergue l’environnement concurrentiel dans lequel évolue une industrie. Le client est encore loin d’être intégré dans le processus marketing, mais désormais, les notions de ciblage, de positionnement ou encore de marketing stratégique font leur apparition et permettent d’apporter aux clients des produits qui répondent mieux à leurs attentes.
=> Le marketing de cette période a permis de cibler les clients.
- La gestion de la marque (période de 1990 à 2000)
Les entreprises commencent à privilégier les relations one-to-one ce qui fait de cette décennie une période transitoire entre le marketing 1.0 où dominent les relations one-to-many, au marketing 2.0 centré sur le client en tant qu’individu unique. Cette période fait prendre conscience aux entreprises des possibilités qu’offre la technologie avec les premiers pas du web. Elles repensent alors leur stratégie en s’axant davantage vers la création d’une identité de marque forte tournée sur le long terme. Le développement technologique va alors ouvrir tout naturellement les portes de nouvelles orientations marketing, on parle alors au début des années 2000 de marketing 2.0.
Le marketing 2.0 : une orientation client
Avec l’avènement des blogs, des forums, des réseaux sociaux et surtout de l’intelligence collective et participative, une nouvelle approche du marketing s’est construite. En effet, pendant longtemps, le consommateur n’a été qu’un récepteur d’informations. Mais avec l’arrivée du web 2.0 au début des années 2000, il commence à communiquer avec la marque. C’est l’une des raisons pour lesquelles le web est si puissant, puisqu’il permet aux consommateurs d’échanger et de partager leurs avis, d’interpeller les marques / entreprises en entrant en contact avec elles. Certains consommateurs vont même se prêter au jeu de la création de contenu pour le compte des marques (UGC). Le discours des entreprises ne peut donc rester unilatéral et les services marketing doivent s’adapter à ce changement de fond, sous peine de perdre le contact avec leurs clients.
Le marketing 2.0 est une expression largement utilisée sur le web et qui a été initiée par l’ensemble des experts du web car ce langage 2.0 correspond à leur activité principale sur le média internet, tandis que les autres médias de masses (TV, Radio, etc) sont plutôt secondaires pour eux. Je précise bien ici que ces médias sont considérés comme secondaire mais pas inutiles, car aujourd’hui les meilleures stratégies intègrent des campagnes multicanales et / ou crosscanales. Il est impensable d’avoir une approche à 360° en excluant les autres médias traditionnels.
7 dimensions de l’écosystème digital
Le marketing 2.0 est donc une version modernisée du marketing qui repose sur l’ensemble des concepts, plateformes et outils instaurés par le web 2.0, ce qui implique que les entreprises évoluent désormais dans un écosystème stratégique digital complexe. Ce nouvel environnement digital peut se découper en 7 dimensions :
- Expérience
L’expérience client n’est pas un phénomène nouveau. Il désigne l’ensemble des émotions et sentiments que ressent un client avant, pendant et après son achat. De nombreux éléments hétérogènes entrent en compte pour constituer une expérience tels que l’existence ou non d’une relation privilégiée entre entreprise et client, le ton publicitaire, etc. Les outils digitaux ouvrent les portes de nouvelles interactions entre les clients et les marques et les possibilités sont nombreuses (serious game, réalité augmentée, etc).
- Influence
L’influence est un pouvoir social qui va amener les individus à se joindre à l’avis de celui qui détient l’influence. L’un des aspects du marketing d’influence consiste en la recherche des personnes influentes sur des secteurs d’activité définis afin d’amplifier la viralité lors de la diffusion d’un message, grâce à l’e-réputation des influenceurs. Mais le marketing d’influence comprend également d’autres aspects tels que les relations presses (RP 2.0), le marketing viral, le buzz ou encore le guerilla marketing.
- Engagement
La nouvelle promesse du digital lorsque l’on parle de marketing d’engagement est de permettre la reconquête du cœur des consommateurs en les impliquant dans une relation authentique, ouverte et transparente avec les marques. Le web social et le community management font leur apparition avec le marketing 2.0 et vont même jusqu’à créer de nouveaux métiers du web tels que community manager ou social media manager, ce qui justifie de l’intérêt croissant que portent les marques aux médias numériques.
En terme de médias, là où le « paid media » représente la publicité qui est bien souvent perçue comme intrusive, le marketing d’engagement se situe entre le « earned media » (blogs, vidéos, commentaires, photos, conversations…) et le « owned media » (site corporate, plateforme communautaire hébergée par la marque…). Ce qui fait du marketing d’engagement un mix idéal entre fans et clients, là où une publicité traditionnelle de masse touche… la masse.
La notion d’engagement a fait beaucoup de bruit ces 5 dernières années, car après une course aux fans effrénée de la part des marques sur Facebook (aux environs des années 2009/2010), ces dernières ont revu leur stratégie social media pour favoriser l’engagement, nouvelle promesse marketing pour conquérir et fidéliser des clients sur les médias sociaux.
- Participation / Collaboration
Face à l’emergence du co, les marques essayent de mettre en place des plateformes collaboratives pour tirer bénéfice de l’intelligence collective. Le marketing s’intéresse donc au crowdsourcing, au crowdfunding, ou encore aux wikis.
- Brand content
Dans une ère digitale où la concurrence est forte sur les nouveaux médias, les marques doivent créer un contenu original, pertinent et efficace en accord avec leurs valeurs. L’émergence des plateformes de partage de photos telles qu’Instagram (rachetée en avril 2012 par Facebook, mais vous le saviez surement déjà), constitue une porte d’entrée pour que les marques se rapprochent des consommateurs. Ce contenu de marque peut être une image, une photo, de la musique, ou tout un dispositif tout dépend des objectifs marketing et de la stratégie adoptée sur les médias sociaux.
- Brand utility
Dans l’objectif de créer un attachement durable avec le consommateur (vision long-termiste), le marques vont proposer des services ou créer des contenus spécifiques afin de délivrer une information utile/pratique aux consommateurs.
Exemple : L’enseigne de bricolage Castorama a très bien compris l’utilité du brand utility et propose déjà depuis plus de 4 ans sa chaîne « Lancez-vous » sur laquelle vous pouvez découvrir des tutos vous permettant de bricoler facilement chez vous grâce à leurs conseils avisés.
- Activation
La notion d’activation correspond aux dispositifs publicitaires qu’il est possible de mettre en place dans une stratégie webmarketing ou digitale tels que le SEM, le display, l’affiliation, l’e-mailing. Bien qu’ils correspondent à des dispositifs « intrusifs » que l’on peut classer dans le paid media, ils permettent d’être de véritables leviers pour améliorer les performances d’un site e-commerce par exemple.
Le marketing 3.0 : diffuser des valeurs
Avec l’apparition du web 3.0 et des nouveaux enjeux qu’il soulève tels que l’interconnexion, la mobilité, la personnalisation ou la diffusion de l’information en temps réel, la fonction marketing est à nouveau contrainte de faire face à l’évolution du comportement des consommateurs. La littérature évoque le terme de marketing 3.0 depuis le début des années 2010, avec notamment le livre de Philip Kotler tenant pour gros titre « marketing 3.0 » et qui semble être le seul ouvrage à avoir analysé ce thème aussi profondément.
Véritable révolution de la fonction marketing ou simple utilisation académique pour faire parler du marketing ? Il semblerait que pour l’instant, le marketing 3.0 reste un concept, une nouvelle vision que doivent adopter les marques pour les années à venir, car la mise en pratique de techniques de marketing 3.0 ne semblent pas exister pour l’instant et s’apparentent davantage à ce que le marketing 2.0 nous a déjà enseigné.
Définition et enjeux du marketing 3.0
Pour comprendre en quoi consiste le marketing 3.0, Kotler le compare aux versions précédentes du marketing en indiquant que
Là où le marketing 1.0 était centré sur les produits, le marketing 2.0 sur les clients, le marketing 3.0 se concentre sur l’humain.
Dans son ouvrage Kotler suggère que les entreprises abordent une approche centrée sur l’humain (human-centric approach), mêlant l’humain dans toutes ses dimensions émotionnelles, intellectuelles et spirituelles…
Se concentrer sur l’humain est une belle promesse, ou du moins un objectif ambitieux. Toutefois, lorsque le marketing évoquait les termes de produit et de client, respectivement pour le marketing 1.0 et le marketing 2.0, ces dimensions étaient tangibles. Les applications de ces concepts marketing ont bien eu lieu, par exemple avec le marketing direct lorsque le focus était sur les produits ou le marketing social lorsque le focus s’est déplacé sur les clients.
Or, le marketing 3.0 qui se concentre sur l’humain reste une vision très conceptuelle du marketing, dont les seules applications perceptibles pour l’instant se traduisent par la prise de conscience des entreprises :
- De l’importance des valeurs sociétales et environnementales. Par exemple, la marque Timberland qui met en avant son approche écologique de recyclage des matériaux chimiques.
- De l’importance de traiter correctement ses fournisseurs, ses clients, ses salariés. Cela semble pourtant une évidence…
Les entreprises qui innoveront dans leur stratégie marketing et qui seront avant-gardistes de ce marketing 3.0 encore en construction, seront celles qui intégreront intelligemment les consommateurs en tant qu’individu humain et non plus en tant que client. L’objectif étant de satisfaire les valeurs des clients (complexe).
Avec le développement des nouvelles technologies, du web, des médias sociaux, les consommateurs ont pris conscience du pouvoir qu’ils ont entre leurs mains et leurs attentes vis-à-vis des marques et des produits qui ont évolué. Ainsi, dans un avenir très proche, les consommateurs ne se contenteront plus d’acheter des produits et services uniquement en fonction de leurs caractéristiques ou des recommandations sociales de leur cercle d’influence. Ils ajouteront une dimension complémentaire pour effectuer leur choix, celle des valeurs environnementales et sociétales des marques.
Finalement, le projet ambitieux du marketing 3.0 est d’ajouter une troisième dimension à l’écosystème du marketing qui se caractérise par un marketing créateur de valeur pour le client, pour l’entreprise et pour la société au sens large.
Et vous, votre marketing est-il déjà orienté 3.0 ?